Gig economy : de la théorie à la pratique
Ce terme est beaucoup utilisé aux Etats-Unis, il signifie littéralement l’économie des petits boulots. Il regroupe toutes sortes de contrats : les freelances, les emplois de l’économie du partage (sharing economy), et les autres travailleurs indépendants. Les contrats sont souvent de courte durée et le travailleur n’est pas considéré comme un employé mais plutôt comme un prestataire. De ce fait, en France, l’entreprise ne peut pas exiger de lui des horaires précis et n’a pas de droit de surveillance à son égard.
Le monde du travail est en pleine évolution : les tâches répétitives sont automatisées, les entreprises autorisent progressivement une flexibilité des horaires permettant aussi un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et personnelle, et les modes de travail s’adaptent peu à peu au style de vie nomade incluant le travail à distance. Les avantages de la Gig economy sont nombreux, correspondent mieux aux attentes des Millennials arrivant sur le marché du travail car ils restent libres de choisir où et quand travailler. La population active s’intéresse de plus en plus à ce type de contrats. Cependant, la Gig economy ne comporte pas que des avantages puisque cette instabilité professionnelle peut être une lourde charge liée au stress, à une protection sociale moindre et à l’insécurité financière.
Les impacts de la Gig economy
La Gig economy balaie du revers de la main tout ce qui constitue la réussite professionnelle depuis des années, c’est-à-dire faire des études supérieures pour décrocher le CDI tant espéré dans une grande entreprise à l’avenir prometteur, et évoluer hiérarchiquement au sein de cette dernière pour avoir des revenus stables et vivre convenablement. Comment ça, la recette du bonheur ne vous fait pas rêver ? Vous n’êtes pas les seuls. Les jeunes actifs sont de plus en plus nombreux à s’éloigner du processus de réussite professionnelle classique pour se tourner vers des modèles alternatifs comme le propose la Gig economy.
Cependant, l’étude révèle qu’une métamorphose de l’économie à différents niveaux est nécessaire particulièrement sur les points suivants.
Les services bancaires
Aujourd’hui, les établissements bancaires abordent les clients différemment en fonction de leurs revenus ainsi que de leur situation professionnelle et personnelle. Aussi un cadre qui est en CDI dans une entreprise depuis 5 ans, marié et père de deux enfants aura accès à un prêt plus important qu’un freelance célibataire. Pour autant, au vu des changements qui s’opèrent sur le marché du travail actuellement, les banques seront obligées de revoir leurs critères. En effet, il n’est pas envisageable de priver plus de 50% de la population d’un prêt sous prétexte qu’ils n’ont pas d’emploi stable car l’économie locale et nationale en pâtirait.
L’immobilier
Les modes de vie changent et le marché de l’immobilier aussi. Dans beaucoup de villes françaises, on parle de pénuries du logement impliquant une explosion des prix du marché ainsi qu’une forte concurrence ; aussi le CDI est un élément différenciant et un gage de confiance aux yeux des propriétaires. C’est pourquoi les travailleurs en contrat court se voient dans l’obligation de déserter les centres-villes au profit des banlieues, ou de privilégier la colocation. Le mode de vie nomade intéresse de plus en plus les jeunes générations, impliquant alors une régression de l’achat immobilier remplacé bien souvent par de la location.
Le système éducatif
Travailler dans un monde où la Gig economy serait la norme, demanderait une forte capacité d’adaptation et d’auto-formation. En effet le secteur, ainsi que l’objectif et la taille de l’entreprise pour laquelle le travailleur est mandaté peuvent changer radicalement d’une mission à l’autre. Si les populations sont amenées à travailler exclusivement de cette manière dans les années à venir, il est important de former les personnes sur la manière d’apprendre ainsi que la manière d’enseigner.
Le système de santé
Aujourd’hui, la France a un des meilleurs systèmes de santé du monde en partie financé par les cotisations salariales et patronales. Dans l’hypothèse où la Gig economy serait bien installée et plus de 50% de la population vivrait de contrats courts, le système actuel pourrait être mis à rude épreuve. Si les travailleurs n’ont plus de revenus mensuels fixes, il faudrait modifier le système en cherchant d’autres sources de financement : impôts, cotisations sociales, et taxes affectées.
L’identité personnelle
Les revenus, la profession, l’accès à l’éducation et aux soins sont des éléments qui façonnent notre identité personnelle. Le travail est devenu un pilier essentiel à notre équilibre. De ce fait, lorsqu’un employé perd son emploi, il a l’impression de perdre une partie de son identité et sa fierté. La Gig economy propose de dégager du temps pour se réaliser autrement et pas uniquement dans l’exercice d’un métier.
En travaillant dans une entreprise, nous avons accès à la formation, à un cercle social mais aussi à un certain statut social qui est important pour notre bien-être et notamment notre besoin d’appartenance. L’idée va au-delà des groupes virtuels, les personnes ressentent le besoin de se regrouper physiquement. Pendant que le co-working, si apprécié par les freelances, favorise l’échange, la rencontre et leur permet de ne pas être isolé, les collectifs de freelance se forment eux aussi dans les grandes villes pour unir leurs forces.
Des alternatives à la Gig economy
Finalement, le fameux CDI a encore quelques belles années devant lui. Même si le changement est nécessaire pour s’adapter au mieux aux nouvelles normes sociétales, il n’en reste pas moins radical, impliquant l’abandon de nombreux avantages qu’offrent les contrats de longue durée. Certains ne sont pas préparés à une telle révolution même si elle est inévitable. Néanmoins, d’autres formes de travail sont à prévoir pour les années à venir.
On parle d’ores et déjà de talent economy qui vient contrebalancer le côté précaire de la Gig economy souvent critiqué. La talent economy cherche à valoriser les compétences des travailleurs et pérenniser leur travail grâce à des missions plus longues et plus qualifiées.
Même si personne ne sait pour sûr à quoi ressemblera le monde du travail dans 10 ans, nous pouvons affirmer sans trop de risque qu’il ne ressemblera pas à ce que nous connaissons aujourd’hui. On voit d’ailleurs émerger en ce moment le terme de workforce 50/50 pour désigner un effectif où 50% de l’équipe sont des membres fixes et 50% sont des membres temporaires ou externes à l’entreprise. Votre talent sera votre force.